Catalogue – Accrochage de l’exposition – Œuvres exposées du 10/09/2011 au 8/10/2011
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L’empire du lien
La surprise préside au travail de Yamada. Où mieux, l’étonnement, l’interrogation propice à la spéculation et au concept. Pour autant, rien n’est plus concret (on serait tenté d’écrire, essentiellement élémentaire) que cette œuvre qui perçoit plastiquement le monde tel un inépuisable vivier de matériaux et de formes. Tuyau, bois, fer, tissus, plexiglas, goudron, résine, papier, plomb, bronze, béton armé, peau, céramique… rendent compte du vide, du ductile, du rugueux, du lisse, du soyeux, par l’entremise de pratiques multiples (peinture, dessin, sculpture, photographie, installation).
La captation sensible, quasiment sensuelle, du réel, se dévoile ainsi dès le premier regard. Dans le même mouvement, l’art de Yamada s’avoue comme hétérogène. Il s’apparente à une culture du fragment, de l’objet abandonné, remis en question, réinvestit par l’artiste. L’œuvre devient le lieu complexe de la translation, de l’échange entre les choses et les personnalités, l’artiste se transformant en intercesseur, tel le garant d’une nouvelle approche cohérente du monde. Ici, se discerne un aspect “Grand horloger”, un désir d’ordonnancement de l’univers à partir de ses éléments, de ses parcelles, de ses éclats. Yamada n’a-t-il pas réalisé dans la moitié des années quatre-vingt, une série de “peintures sans peinture”, à partir de milliers de bribes d’affiches déchirées ? Le matériau prenant ainsi le pas sur la citation et la référence, le collage assumant son rôle de principe actif en renouvelant la technique de la mosaïque. Une pratique composite de la (re)composition du réel où la présence de l’homme s’affirme dans le temps et l’espace, dans sa profondeur intérieure, sa lisibilité relative, son rapport au visible et à l’invisible.
Sans doute est-il utile de rappeler que Yamada a quitté son Japon natal en 1973 pour étudier à Paris dans l’atelier de César. Un exil pour découvrir et approfondir une culture différente mais avant tout pour se réapproprier sa propre existence au travers d’autres références, d’autres signes, d’autres codes. Beaucoup plus qu’une simple formation, un voyage initiatique dont on retrouve les transpositions dans les traces, empreintes, souvenirs, réminiscences qui jalonnent son œuvre.
La conversion et la transmutation impliquent un alchimiste. Les métamorphoses relèvent des Dieux ou des fabulistes. Yamada est tout cela mais plus encore un passeur occupant une place singulière à la confluence de deux mondes, deux esthétiques. Un point cardinal unique dont il a lui-même établi les coordonnées. Un point de vue qui lui permet de jouer avec la volupté des maîtres, de la tresse, de la torsade, de la ligature. Le lien comme pratique, comme sujet, comme expérience, structure ce travail en suspension, en attente, à l’image d’un plongeur saisit entre le ciel et l’eau. Au fil du temps, le plongeur de Paestum s’élance dans la Vague de Hokusaï…
Sous l’empire du lien, Yamada capte plus que jamais les métamorphoses de la forme, du sens et la trace de l’éphémère.
Robert Bonaccorsi