catalogue – Accrochage de l’exposition – Œuvres exposées du 13/12/2012 au 26/01/2013
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POUR VOIR …
La vue apporte une image : elle va vite à la rencontre d’une trace intérieure et déjà se confond avec elle en provoquant le surgissement d’une figure oubliée ou bien d’une impression qui cherche à se préciser. Tout cela est d’abord latent, mais insiste, grandit, veut s’exprimer et descend bientôt vers la main. L’espace intérieur s’oriente tout à coup car il désire maintenant que tout aille en lui dans un sens. Un étrange appétit s’affirme qui appelle des gestes et les charge d’inscrire une représentation en train de se former.
Le spectateur éprouve cette formation devant les œuvres de Jean-Pierre Plundr et en imagine le processus. Il en ressent le mouvement interne et trouve là un attrait supplémentaire tandis que son regard parcourt l’œuvre en croyant l’achever. Que se passe-t-il ? La curiosité qu’excite une composition jouant de rapports inconnus entre formes et couleurs donne envie de remonter vers son origine pour voir… Voir naître ces îlots de lumière qui conjuguent si heureusement de brefs aplats et des stries, des territoires et des marges mystérieuses. Tout cela très approximativement nommé pour la raison que les yeux jouissent de l’ensemble sans en définir les zones.
Le vert, le jaune, l’ocre et le bleu sont des matières qui donnent du corps et pas seulement de la couleur si bien qu’on ressent partout du volume. Les titres donnés indiquent des qualités plutôt que des « sujets », des tonalités plutôt que des figurations, d’ailleurs cette peinture ne fait appel qu’à l’imagination : elle évite à la fois la ressemblance et l’abstraction.
La série intitulée « La Chute des feuilles » a bien quelque chose d’automnal dans la couleur dominante mais les feuilles – si feuille il y a – n’ont pas la couleur convenue : elles ne sont pas tombantes et sont posées au bord, à côté, au-dessus de ce qui peut passer pour l’amas informe des mortes.Le regard, en vérité, n’éprouve aucun besoin de reconnaître telle ou telle chose dans des peintures qui, grâce à la vivacité des impressions colorées, sont libres de tout besoin d’explications. Qu’importe en effet le qu’est-ce que c’est ? quand le plaisir de voir procure une satisfaction sensuelle au spectateur.
Dans la série : « Pesanteur colorée », l’agencement des réseaux de lignes et des matières de natures diverses crée une circulation dont il suffit d’éprouver les variations pour sentir croître l’espace et s’élargir le point de vue. Les grands tableaux, par contre, occupent tout le regard : ils sont un monde où l’organique le dispute à une géométrie assez perverse puisque ses compartiments sont perturbés par des formes venues d’on ne sait quel monde végétal ou cellulaire. On aime sentir que le geste a tracé certaines formes dans un délié inventif et d’autres avec hésitation bien qu’aucun repentir ne soit visible. La construction visuelle a l’avantage d’être d’emblée convaincante pourvu qu’une logique interne en relie les parties, et les créations de Jean-Pierre Plundr reflètent une organisation qui sécrète ses propres références. Ainsi ce qui est offert au regard coïncide exactement avec la nécessité ayant uni dans le trajet de la main l’élan expressif et son contrôle réfléchi – autrement dit ayant uni l’émotion et la pensée.
En général, deux couleurs principales s’exaltent réciproquement, puis l’attention mise en éveil s’attache à distinguer parmi d’innombrables petits traits zébrés d’éclats colorés la nature de constructions fragiles qui tiennent du tressage et du quadrillage. Rien d’abstrait pourtant dans ces combinaisons d’une allure organique car l’impression, toujours, est que cette peinture s’invente spontanément dans le regard qui la découvre.
Bernard Noël