ERIC LIOT – acte 3
Catalogue – Accrochage de l’exposition – Œuvres exposées du 31/01/2013 au 16/03/2013
L’HOMME DES “BOIS”
Il y a un grand amour du bois dans le travail d’Eric Liot, et c’est peu de le dire. Ce grand amour, appelons-le l’œuvre, au même titre qu’un compagnon écumant quelques contrées de France et de Navarre de son savoir-faire. Il y a du bâtisseur en lui, un goût de l’artisanat couplé à un sens de la perfection, de la satisfaction du bel ouvrage. Il le “bosse” son bois avec une attention de toutes les secondes quitte à en être maniaque, bien sûr il y a le sujet, le motif, le pourquoi du comment fait-il ça, il y a surtout le regard qu’il porte sur chaque pièce du puzzle. Non pas un puzzle autobiographique, mais plutôt un sommaire de tout ce qu’il peut récupérer lors de ses voyages au bout du monde : sensations, couleurs, logos, jouets en plastiques, magazines, personnages de bandes dessinées, odeurs de bois épicés, tendres, rugueux…
De ce patchwork planétaire ramené au cœur de son atelier se crée un melting pot artisanal inculqué certes par un père fabricant et réparateur de bateaux, un apprentissage du plaisir de la découpe, de l’assemblage, du polissage et du tactile…et là on parle de la caresse et du respect de la matière.
Homme du “bois”, homme de tous les “bois”, Eric Liot se voit avant tout comme un catalyseur d’images contemporaines. La référence pop n’est jamais très loin. Il ne s’en cache pas, l’influence de ses pairs est primordial chez un artiste Il n’y intègre aucune théorie savante dans cette collecte aux quatre coins de la mappemonde. Tout juste s’accorde t-il une thématique dans lequel il peut révéler toutes les déclinaisons de son imagination. Le globe terrestre en fait justement partie, “j’aime les voyages, j’aime la planète et j’aime une forme d’écologie.” souligne t-il. Ce qui ne l’empêche pas de nous faire découvrir en 2011 sa série sur les skateboards, un objet de locomotion pour teenagers à cent pour cent urbain. Lui le rural amoureux des grandes villes et des champs, de plénitude et d’effervescence, de stabilité et de voyage semble s’épanouir dans le contraste, également perceptible dans son personnage, un être funambule mixant le sérieux et le ludique, la concentration et l’ébullition, la sensualité et la rigueur ou encore l’adulte et l’adolescent avec cet air espiègle de ne pas y toucher. Un équilibre éventuellement décelable entre son goût pour l’ébénisterie, la marqueterie et la menuiserie.
Car tout est affaire de construction chez Liot, de juxtapositions de différents bois, d’orchestrations de vis, de boulons et de patines. Ballet qui ne peut se passer de la troisième dimension tant est que chacun de ses tableaux/reliefs donne lieu à une étonnante profondeur de champ et de perspective.
Et puis, il y a ce passage à la peinture, travaillé comme un embellissement, c’est-à-dire avec une facture classique lié à des références picturales moderne et contemporain. Comment ne pas y voir un clin d’œil à Matisse dans ses collages/assemblages où se fondent parfois des aplats de couleurs vives ; un autre à Cézanne avec ses découpes de fruits ou Warhol pour ses emprunts aux produits de consommation et logos référencés comme symboles de nos sociétés occidentales. L’esprit pop art réside dans le choix de chacune de ses compositions même si le sujet reste en position d’arrière-plan.
Ses toutes dernières productions n’échappent pas à ce credo : une surreprésentation du modèle dans sa forme expressive sur un fond quasi abstrait la plupart du temps. Ses pin-up, toutes stylisées dans le moule des enseignes publicitaires des années 60, prennent la pose. Une pose de trois-quarts stabilisant le portrait de la manière la plus traditionnelle qu’il soit, et de référence patente lorsqu’il s’agit de Mona : une Joconde new pop un peu hautaine bravant un bombardier en piqué.
Eric Liot est au carrefour de plusieurs influences, le chevalet fixé à un grand angle ouvrant à 360°. On peut même penser que se référer à d’autres peintres ne le gêne pas puisqu’à vrai dire tout artiste en accord avec lui-même reconnaît volontiers l’influence de ses pairs à tout moment de sa carrière. Son amour pour les emballages d’autrefois, sa voracité pour le pop art américain et son attirance pour l’esthétique citadine battent également la mesure dans ce concert visuel où circulent sans se cacher un quota de références, de lieux et d’époques.
A partir d’une telle variété de gammes intemporelles, rien ne l’empêche de déjouer les codes en transformant une espèce de jeune crypto maoïste en un Casque bleu sur fond turquoise ou encore un soldat vietnamien en héros de la résistance. Mais Eric Liot n’a pas vocation à être un passeur de messages politiques ou philosophiques. Le goût du “beau” n’est pas pour lui déplaire. Il se laisse avant tout porter par le sens plastique de son environnement. Il lui donne un nouveau souffle, vif et coloré…et surtout plus optimiste.
Harry Kampianne Le 16 décembre 2012