ELZEVIR, Gilles GHEZ, Ivan MESSAC, Jacques POLI, Muriel POLI, Nicolas RUBINSTEIN
D’après nature ?
Il est ici question d’œuvres sur papier. Avant tout, avec néanmoins quelques sculptures. Le papier donc, dans sa double fonction d’esquisse, d’étude, de croquis, mais à l’avenant, comme l’espace privilégié du travail finalisé.
Un couple indissociable dont les tensions se déclinent à vif, dans le vif, au vif, de la pratique artistique. Nous sommes en présence de la dialectique de l’œil et de la main. La prise en compte de l’instantané se conjugue avec le discernement. L’œuvre se révèle dans le jaillissement et la réflexion. L’atelier et le monde conjointement. Ces différentes temporalités et approches se retrouvent chez les six artistes présentés dans cette exposition.
Ivan Messac joue désormais avec la palette graphique de son IPAD pour créer ses œuvres, réhabilitant ainsi de façon paradoxale la spontanéité du geste et de la couleur simultanément associés. Elzévir dans ses gouaches, crayons et aquarelles sur papier explore l’habituel, la vie quotidienne en singularisant plastiquement l’anonymat. Si les papiers de Gilles Ghez peuvent préfigurer ses « boites » (les lucarnes de l’aventure rêvée), ils en sont surtout les hors champs, les digressions, les contrepoints. D’élégantes dérives en forme de clins d’œil. Les cinq œuvres de Jacques Poli sont issues de la série des Peintures entomologiques (1976-1980) qui manifeste dans son travail le passage du mécanique à l’organique. Georges Perec consacrera quatre textes à ce cycle où l’insecte/objet/outil, dans sa segmentation, devient pour et par la couleur, un principe formel. Nicolas Rubinstein s’est voulu le paléontologue de Mickey, qui comme chacun ne sait plus, est « also a rat ». Son propos s’apparente à un dessin/dessein, à une cartographie rationnelle et paradoxale du vivant. Muriel Poli a développé son travail via la thématique du corps envisagé graphiquement dans une dimension sensible, provisoire, évolutive, dont le temps et l’histoire déterminent les métamorphoses. Aujourd’hui elle s’attache à « L’écriture et à la lecture des pierres » (Roger Caillois).
Une réalité minérale transfigurée par l’hybridation, les correspondances et les métaphores visuelles. Au-delà de la diversité des approches on peut distinguer ici un même rapport au réel, celui que définissait Diderot dans l’Essai sur la peinture (1765). « Il semble que nous considérons la nature comme le résultat de l’art ; et réciproquement (…) il semble que nous regardons l’effet de l’art comme celui de la nature. »
D’après nature, donc, plus que jamais sur le mode interrogatif, en laissant toute liberté à l’imagination.
Robert Bonaccorsi